vendredi 27 juin 2008

MESSAGE 083 / CECI EST UN AUTOPORTRAIT, devenu plus narcissique d'années en années.






















Ceci est un autoportrait. Mon autoportrait préféré. Ne me demandez pas pourquoi, je l'ignore. Si je le savais, il perdrait sa valeur à mes yeux et moi aux siens. Vous comprenez? Ce n'est pas sûr. Est-ce un mystère? Pas ici. Du ressort de l'inconscient? Ce n'est pas le propos non plus. Attirant? Je crois, je crois bien, il y a de ça. Non? Si. Multiple? Peut-être bien encore. Oui, aussi.

Qu'importe?

Ah, les doubles!, si vous saviez comme je vous aime! Les miens bien sûr, pas par égocentrisme, narcissisme, non. Comme des amis, des prolongements aussi. Ici, par exemple, à
Appels d'air, au MAMI, tous les personnages... c'est moi. Moi seul. Deale esq., Balthazar, Assiette vide, Vendredi etc... moi, moi encore.
Alors, cet autoportrait, lorsque je l'ai peint, j'étais loin de penser à tout ça. Plus loin encore. Pourtant, et bien pourtant, je le sais aujourd'hui, tout ce que j'ai fait depuis était déjà dans ce tableau. Ce tableau, c'est mon géniteur et ma progéniture. Je sais on en a enfermé d'autres pour moins que ça. Mais je m'en fous, au contraire ça me réjouit. Pas vous?

Cet autoportrait m'est cher, très cher. On en a fait du chemin ensemble. Savez-vous? On en a de la considération l'un pour l'autre.


Suchet etc.



***

Entre ce message et la livrée d'Edouard(*), qui délire le plus, croyez-vous? Mon père ou moi?

Votre Clémentine

(*) Pour la livrée voir message 082


jeudi 26 juin 2008

MESSAGE 082 / EDOUARD* SORT DE SA RESERVE

- Mademoiselle Clémentine?
- Oui, Mr Edouard?
- Beau travail que vous avez fait là, le blog, Mademoiselle. Parole d'Irlandais que je suis.
- Merci Mr Edouard, vous me faites très plaisir. Puis, plus bas : un petit brandy dans mon bureau, vous voulez Mr Edouard?
- Sûr, c'est un grand plaisir pour moi de fêter comme ça avec vous.

Une fois dans le bureau de Clémentine:

- Miss Clementine?
- Dites.
- Avec le nouveau blog, j'ai pensé qu'il conviendrait peut-être que je porte une nouvelle livrée, aux couleurs de la maison? Ocre clair, revers plus foncés, gilet gris. Vous, vous en pensez quoi Miss Clementine?
- Que vous auriez grande allure, vous avez raison, Mr Edouard. J'en parle à Papa.
- God bless you, Miss Clementine.

***

Au cours de la prochaine conférence de rédaction, quand fut abordé l'approbation ou non d'une nouvelle tenue pour Edouard, l'atmosphère se crispa ici et là. Je vis Balthazar et mon père prendre un teint congestionné.
Là, j'ai pensé que si je refaisais une fois encore le coup de l'hommage paternel, ça passerait pas.
Alors, ni une ni deux, quand j'ai balancé : Si c'est pas pour le MAMI qu'on le fait, faisons-le pour Mr Edouard.
J'en étais sûre, c'est passé.
Autre chose, je n'ai pas eu le temps de photographier Mr Edouard dans sa nouvelle tenue alors ,en lettrine, j'ai mis un autoportrait de Papa piqué dans Allégorie sévillane(**). C'est passé aussi.
Ploum, ploum.

(*) Edouard est le chasseur du MAMI.
(**) Pour Allégorie sévillane, vous pouvez voir le diaporama par la colonne gauche.





mardi 24 juin 2008

MESSAGE 081 / C'EST LA FETE AU MAMI





APPELS D'AIR SE REFAIT UN LOOK

- Papa.
- Clé?
- Bonne fête Papa.
- Merci ma chérie. J'ai vu la nouvelle mise en pages d'Appels d'air. Très belle, vraiment très belle.
- Elle te plait? C'est pour toi, ta fête que je l'ai faite.
- Trop, trop belle!
- Trop belle? Tu n'aimes pas!
- Si. Rien n'est trop beau pour le MAMI et Appels d'air. Ta couleur de fond donne l'impression du papier couché, ta typo et les couleurs donnent à l'ensemble la qualité d'une impression de chez Maeght. Ce n'est plus un carnet d'atelier, un blog que nous publions là, c'est une monographie de musée, de peintre international, un catalogue Sotheby's.
- Bon, tout ça c'est pour dire quoi vraiment? Que j'en ai fait trop?
- Clé, tu es la seule dont je puisse accepter sans réserve un tel hommage. Tu m'honores comme aucun de mes contemporains ne m'a honoré. Je reçois de toi avec émotion ce que j'aurais refusé d'eux ou de leurs institutions. Je suis ému, très ému.
Qu'en pensent Balthazar et les autres?
- Je ne les ai pas encore vus.

Au MAMI, le 17 juin 2008
( Clémentine pour la fête de Deale esq., mon père. )

Les blogs comme les carnets d'atelier, ce ne sont pas des choses pour gens affamés. Ces choses-là sont faites pour les gens frugaux.
Balthazar




jeudi 19 juin 2008

MESSAGE 080 / RENCONTRE

C'EST QUOI UNE RENCONTRE ?





















Rencontre, 1995, d'après une photo de l'Agence Magnum sur le

tournage du film de Warhol.

C'est quoi une rencontre?

A quoi ça tient?
C'est ce qu'évoquait,
évoque toujours
ce tableau pour moi.

Si je devais mettre ce tableau en mots
je serais... dans la merde.

Rencontre, quand je croise ton chemin,
je t'en prie,
fais en sorte que je ne sois pas
aussi confus qu'ici,
pour rendre compte de toi.

Deale esq.

La peinture a des vertus, elle offre à son auteur la faculté de ne pas avoir à dire, tout dire. Un peu, en somme, comme si les rencontres n'avaient à se circonscrire que par elles seules, sans nous, quand les mots et tout ce que nous y introduisons viennent en régler l'issue. Malgré cela, quand je peins, je tente toujours de dire quelque chose, quelque chose qui n'aurait jamais été dit, comme cela n'aurait jamais été peint.
Aussi, je me demande si la peinture ne s'en sort pas plus confortablement que les mots, les rencontres, que moi quand je pense venir à bout de tout, même de moi, alors que je constate enfin, une fois de plus, que les autres, eux, sont à-bout , de moi encore, depuis belle lurette.
Alors, merde.
Merde, encore.
Balthazar

mardi 17 juin 2008

MESSAGE 079 / PORTRAIT DE FEMME EN N & B

DANS LA VITRINE " PLACE AUX ARTS " DU MAMI,
EXPOSITION TITREE : A PROPOS ...
Ici, Deale esq., est absorbé, les mains dans le dos, déambulant de long en large dans son bureau,
A Propos, Le MAMI, vitrine de Place Aux Arts, 1994.(*)

Monologue :
- Je rêve de cette femme qui s'épanouit quand je lui dis : je t'aime.
- Je suis désappointé par la même qui s'évanouit(**) quand je lui dis : je t'aime.
- Stupéfait quand elle s'enfuit, quand malgré tout je lui redis.
fit-il, à voix haute.
- Allez, reviens, prie-t-il enfin.

(*) Le petit personnage avec un béret, une valise dans la main gauche, un journal sous le bras, une cage à oiseau sans oiseau à sa droite, en arrêt devant la femme en noir & blanc, Deale esq., c'est lui, le père de Clémentine.
(**) lire : qui s'évanouit dans la nature.

dimanche 15 juin 2008

MESSAGE 078 / POSE-PAUSE DIVAN AU MAMI

PORTRAIT DE FEMME SUR LE DIVAN DE PAPA AU MAMI

- Papa, j'ai remonté ce tableau des réserves du MAMI. Au dos tu as inscrit " Série verte ", Regard de femme, étude III. Pourquoi ne figure-t-il pas en exposition permanente dans la Salle des séries vertes?
- Parce qu'il est mauvais sans doute, non? Fais-voir, pose-le là sur le divan.


Série verte, regard de femme, étude III, 1998?
Collection privée P. Suchet

Maintenant, je me souviens très bien.
Malgré tout j'aime dans le regard, dans les yeux de cette femme, ce combat pour sortir victorieuse d'une situation dans laquelle les femmes sont généralement encore et très largement perdantes dans nos sociétés d'hommes. Tu vois ce regard à la fois terrifié mais toujours déterminé à lutter.
Se dresser contre ces situations piégées, plombées, pipées. Quand, l'autorité, l'arbitraire d'un système, de son représentant, d'un homme, un mari se libèrent et s'imposent pour dissimuler incapacité, lâcheté, complaisance.
Les hommes savent mettre en oeuvre des stratégies de domination, beaucoup de femmes continuent encore à être victimes de ces pratiques courantes, quotidiennes.

Evoquer ces choses-là me fait repenser à ta grand-mère paternelle. J'ai vécu directement des moments dans lesquelles elle faisait front à de telles situations ou proches qu'elle combattait et dont elle triomphait ou dépassait.Ta grand-mère menait de ces combats de femmes.
Pendant la guerre, en Côte d'Or, elle traversait les lignes ennemies pour porter des médicaments au maquis, hors de toute structure de la Résistance, de sa propre initiative. Par la suite, elle fit fonctionner une infirmerie. Ta grand-mère reçut pour cela la Croix de Guerre avec citation. On n'est pas trop fans de médailles chez nous, mais celles-là me sont chères et m'émeuvent.
D'autant, d'autant que je m'autorise à en parler en capacité de témoin de première main puisque ta grand-mère m'a conçu à cette époque... j'étais à peine né, en gestation ou j'allais l'être quand je parcourais en elle les chemins de la Côte de Beaune sous l'Occupation. Ne crois pas que ta grand-mère était inconsciente, immature, non. Pendant la guerre, elle avait déjà une trentaine d'années.
Je m'étends un peu sur tout ça parce que ton grand-père paternel, Henri, exerçait, à la maison, sur elle comme sur nous tous, une autorité, un contrôle quasiment absolus. Il décidait de tout pour tous.
Ce n'est qu' hors de la sphère familiale que ta grand-mère s'affranchissait, vivait, pensait, agissait en femme libre.
Dans le cadre du Ministère de la santé, où elle exerçait, elle avait mis en service le premier dispensaire qui appliquait et travaillait sur des stratégies de soins et de soutien aux alcooliques; avec, j'imagine, toutes les ressources indispensables pour contourner les obstacles et les contraintes administratives inflexibles et rigides qu'un tel programme pouvait impliquer à l'époque. Dans cette équipe, elle avait recruté un jeune médecin, c'était un " enfant de Peugeot ", qui devint peu après le plus jeune professeur de médecine de sa génération. Je me souviens merveilleusement bien de lui. Un jour je l'ai entendu dire " les hommes pour lesquels je conçois le plus d'admiration, ce sont les éboueurs de la ville de Paris. " Toute un époque!
Dans cette même équipe, il y avait encore une jeune femme qui était la soeur d'un des premiers prêtres-ouvriers, il avait dénoncé la torture
en Algérie, avait été lourdement jugé et condamné à plusieurs années de prison par la Justice française. Cette collaboratrice de ta grand-mère était très activement militante, elle aussi. Elle s'est tuée en dévissant au cours d'une escalade qu'elle faisait avec un chercheur de Saclay, autre militant contre la torture, que nous voyions souvent dans le groupe de ta grand-mère. Plus que militants, des gens volontaires.

Toutes ces personnalités avaient généré un réseau actif, réduit mais influant finalement, que ta grand-mère réunissait régulièrement le dimanche à la maison de campagne et auquel je me trouvais mêlé deux fois par mois quand mon collège me donnait une permission. C'est eux qui, souvent, me reconduisaient le dimanche soir au collège lorsque c'était sur leur trajet.

Tu sais, ta grand-mère savait flairer les situations malsaines. Elle avait eu vent de la répression meurtrière
de la manifestation algérienne dans Paris, décidée par Papon. Deux algériens terrorisés qu'elle croisa à proximité des lieux où les faits eurent lieu la suivirent, à sa demande, et passèrent la nuit et la journée suivante à la maison. J'entends ton grand-père, des années plus tard, dire dans un dîner qui réunissait les collègues de ta grand-mère : " Zette recevait des Arabes à la maison ". Ton grand-père, dans des situations de cet ordre, quand il perdait le contrôle sur chacun, en arrivait à sortir des énormités de ce calibre.

Ce portrait de femme que tu fais ressurgir dans mon bureau n'est pas étranger à la biographie de ta grand-mère et de ta famille. Je ne l'aime toujours pas même s'il trouve un peu mieux grâce à mes yeux en me fournissant l'occasion d'évoquer tout ça pour toi.
- Pourquoi dis-tu qu'il est mauvais?
- Bon, j'aime assez le contenu de ce regard, mais une troisième couleur manque à ce tableau. Deux couleurs dominantes dans un tableau, je crois que ça fonctionne mal.
Remets tout de même cette merde là où elle était et fais-moi penser à te donner la citation de ta grand-mère.
La messe est dite, maintenant.
Merci de ta visite ma chérie. Je recherche cette citation.

jeudi 12 juin 2008

MESSAGE 077 / CASIER VIDE

- Edouard?(*)
- Oui, Monsieur?
- Avez-vous vu s'il y a du courrier dans mon casier ce matin?
- Rien, Monsieur, rien.
- Merci, Edouard.

(*) Edouard est le chasseur du MAMI.

mercredi 11 juin 2008

MESSAGE 076 / PREMIER RENDEZ VOUS

SOIREE CHEZ BALTHAZAR

- Dis, Balthazar, pourquoi moi ? Oui, pourquoi m’as-tu invitée ce soir ? Lui ai-je demandé en m’asseyant par terre.
- Parce que j’ai besoin de toi Shéhé, parce que tous les autres avaient des choses à faire ce soir et qu’ils sont sortis, je n’aime pas boire le thé seul.
- Tu restes un mystère pour moi, je viens pleine de courage dans ce monde inconnu. Il faudra que tu me parles de toi, que ces tableaux posés au sol me parlent aussi de toi. Pas de sucre avec le thé, merci Balthazar.
- Les rencontres sont parfois des grâces, parfois des garces. Tu as l’air bien embêtée, n’aies pas peur Shéhé, je ne vais pas sucrer ton thé.
Mais Balthazar semblait bien plus gêné que moi, tous ces parfums de peintures m’ont très vite enivrée et sur les murs, toutes les couleurs de sa vie étaient accrochées. Il me fallait pourtant partir, la nuit était tombée.
- Je reviendrai Balthazar, mais la prochaine fois tu me présenteras à tes amis, tu me parleras de ton père et je boirai un verre de lait.
- Sans sucre Shéhé, sans sucre le verre de lait. Bonne soirée.
- Bonne soirée à toi et ne fumes pas trop.
En marchant dans la nuit, je n’ai pu m’empêcher de comprendre l’isolement du peintre, comme si la solitude s’était glissée dans les pinceaux, les tubes de peintures de Balthazar. Il était évident désormais, que ses tableaux étaient faits de ça.
Et dans le silence de la rue déserte, des gouttes de pluie salée tombaient de mes yeux.
Du lait, oui, je boirai du lait, avec du sucre…

Shéhé.

lundi 9 juin 2008

MESSAGE 075 /

- Clémentine!
- Bonjour Papa.
- Tu te plais au MAMI?

- La boîte est un peu monocentrée, mais j'aime bien. J'aime bien.

- Qu'est-ce que tu voulais?
- Rien de spécial. J'ai passé presque 24 heures chez Balthazar, on regardait et parlait de ta série verte.

- La série verte? La série verte, je n'ai jamais autant été conscient, en travaillant sur cette série, de la puissance d'auto-création de la peinture. Je l'ai faite avec une énergie, des ressources qui me réincarnaient, me réengendraient. Chaque fois que j'achevais une étude, je me demandais : mais d'où ça sort?
Quand je peins, tu sais, j'ai toujours plus ou moins à l'esprit cette question majeure : qu'est-ce qu'on fait avec la peinture aujourd'hui? Pour moi, la peinture de nos jours a à se colleter à cette question. Avec la série verte, chaque tableau répondait lui-même, avant moi je veux dire, à cette question. Chaque tableau me disait : qu'est-ce qu'on fait avec la peinture aujourd'hui, mais la réponse est là, sous tes yeux, sous tes brosses!

Série verte, collection privée Mme E. Frattini-Ducos, 1999.
POUR VOIR LE DIAPOPRAMA DE SERIE VERTE

lundi 2 juin 2008

MESSAGE 074 / MANQUE & PLENITUDE

BREAKFAST CHEZ BALTHAZAR

- Le bourdon, Clémentine?
- Le bourdon? Un peu. J'ai passé chez toi une soirée inoubliable. Regarder le travail de mon père, ici et avec toi, c'est la plénitude de la peinture.
Ce matin avant de descendre déjeûner, je me demandais si mon père n'était pas passé à côté d'un destin singulier, d'un destin public. Ca m'a d'abord foutu une sacrée gueule de bois, puis j'ai fini par réaliser que la clandestinité de son travail est aussi un environnement dans lequel il a, finalement, toujours souhaité se maintenir, se garder. Papa n'est pas à l'aise et ne fait pas fondamentalement confiance à la reconnaissance, à ce qui la produit, l'entretient.
- Ton père, enchaina Balthazar, m'a dit une fois : " Avec la série verte, je tiens une piste infinie. Je pourrais peindre, j'en suis certain, au moins une centaine de tableaux dans cette veine sans l'épuiser." Il exultait.
Il ressentait parfois, à l'époque, m'avait-il semblé un peu d'amertume de ne pas trouver un environnement économique qui lui eut permis de réaliser largement cette série. Mais cela n'allait pas au delà de l'amertume, jamais jusqu'au dépit.
Ton père disait aussi :
" Mieux vaut ne pas en faire assez que trop. Rester soi-même sur sa faim et laisser les autres sur la leur. Trop, c'est casse-gueule."
Un temps après :
Je dois y aller Clémentine.
Reste, reviens ici quand tu veux.
Ca va pour toi au MAMI?
me demanda encore Balthazar.
- J'y suis alternativement dans la plénitude et le manque.
- Bonne journée.
- Bonne journée, Balthazar.


Série verte, collection privée Mme E. Frattini-Ducos, 1999.
POUR VOIR LE DIAPOPRAMA DE SERIE VERTE